"L’affaire du cimetière d’Oran" (1970-1974). Les Juifs oranais, inclusions et exclusions d’une population entre deux rives, par Yann Scioldo-Zürcher


Alors que la question sociale liée au rapatriement des Français d’Algérie était en passe d’être résolue, la modification en 1971 du plan d’urbanisme de la ville d’Oran, qui entraînait la destruction d’une partie de l’ancien cimetière juif, réveilla de multiples tensions chez les Juifs oranais rapatriés mais aussi, chez les rares membres de la communauté restés sur place. Ne pouvant s’opposer au projet, les membres de la communauté oranaise installés en France virent dans ces travaux la volonté de l’Etat de rayer symboliquement les traces de leur présence multiséculaire sur le sol algérien. Les membres de la petite communauté d’Oran, quant à eux, ne purent pas davantage peser sur la décision de la municipalité et subirent, dans le même temps, la déclaration de vacance de leur synagogue, transformée en centre culturel islamique. De leur côté, les membres du Consistoire central parisien s’assuraient de l’inhumation des corps selon les règles religieuses, mais ne prirent que tardivement conscience des demandes cultuelle de toute la communauté oranaise qui craignait la disparition de rites qui n’avaient pas encore trouvés leur place dans le réseau des synagogues consistoriales françaises. L’affaire illustre ainsi parfaitement les premières revendications culturelles des rapatriés juifs, désormais distinctes des revendications mémorielles communes à tous les pieds-noirs.
 
 

The affair of the cemetary of Oran ( 1970-1974 ). The Jews of Oran, inclusions and exclusions of a population between two shores, by Yann Scioldo-Zurcher

While the social problem of the repatriation of the French people of Algeria was nearly solved, the new town planning for the city of Oran in 1971, which entailed the destruction of the old Jewish cemetery, aroused renewed tensions among the Jews who had left Oran as well as among the few members of the community who were still there. Since they could not refuse this project, the Jews who lived in France considered this project as a symbol meant by the State to erase the signs of their multicentury presence on the algerian soil. As to the members of the small community of Oran, they were not able of course to influence more strongly a questionning of this decision, and they simultaneously underwent the news of the vacancy of their synagogue which became an Islam cultural center. As concerns the members of the Consistory of Paris, they made sure that the bodies were buried according to the religious habits, but they belatedly became aware of the cultual needs of the entire Oran community which dreaded the disappearance of rites which had not yet found a place to be practiced among the French synagogues. This problem is a good example of the first cultural claims of the repatriated Jews, which henceforth must be separated from the memorial demads common to all the pied-noirs.