Comment « en être » ? Les Juifs et la « haute société » dans la seconde moitié du XIXe siècle, par Catherine Nicault

Dès la Monarchie de Juillet et le Second Empire, et plus encore dans les années 1880-1900, les « Israélites » parvenus au sommet de la réussite économique et financière aspirent à conquérir une « position mondaine » considérée comme le degré ultime de la « distinction » sociale. Or l’antisémitisme régnant dans la « Haute Société », alors de composition essentiellement aristocratique, ne leur facilite pas les choses, surtout à la fin du siècle. L’article cherche d’abord à montrer que la quête de la réussite mondaine chez les parvenus juifs est un fait social isolable, qui tire sa source non du seul snobisme mais souvent aussi du désir de parachever leur processus d’intégration dans la société française – comme le prouve notamment le refus fréquent de la conversion. Partant de là, sont examinées les tactiques déployées (réceptions fastueuses, libéralités d’argent de toute sorte, mariages), comme les résistances rencontrées. Le ressentiment est en effet la rançon du sésame utilisé pour forcer les portes de l’aristocratie, l’argent. Celui-ci s’exprime en particulier dans le registre de la médisance, dont les écrits intimes permettent de mesurer l’étendue, notamment entre l’affaire Dreyfus et la Grande Guerre, une époque pourtant souvent considérée comme marquant une décrue de l’antisémitisme en France.




How to « belong » ? The Jews and the high society during the second half of the XIXth century, by Catherine Nicault

Since the July Monarchy and the Second Empire, and much more during the years 1880-1900, the "Israélites" who had reached the top of the economical and financial achievement are eager to gain the "mundane status" considered as the ultimate stage of the social distinction. However, this High Society which was then mainly aristocratic, did not welcome them so easily, and mainly during the last years of the century. This article aims first at showing that this eagerness for mundane ranks among the recently high class Jews can be isolated as a fact of its own, not only because of snobbism, but often as a wish to achieve their integration in the French society, which is proved by their frequent refusals to become converts. Following this first aspect, the strategies which are evolved are scrutinized (gorgeous parties, liberalities of all sorts, weddings) together with the refusals they met with. Resentment is in fact the ransom for the Sesame which helped them to force the doors open into the world of aristocracy and fortune. This is particularly noticed in the foul-talking which is widely used in secret writings, more openly about the Dreyfus Affair and the First World War, although this period has often been pointed out as witnessing a lessening of anti-Semitism in France.